Introduction aux systèmes de surveillance des phénomènes de glissement de terrain

1    Introduction

La surveillance est un aspect de l’étude des glissements de terrain qui a progressivement assumé un rôle de plus en plus important. En effet, l’évolution technologique a augmenté de manière exponentielle le nombre de systèmes disponibles et leurs performances. Les premiers systèmes de surveillance utilisés pour le contrôle des glissements de terrain ne l’étaient que dans des cas très particuliers, principalement lorsque les processus gravitatifs avaient un impact sur de grandes infrastructures, comme le barrage du Vajont ou celui de Beauregard. La disponibilité croissante de systèmes de surveillance de plus en plus sophistiqués en a progressivement étendu l’utilisation jusqu’à leur diffusion généralisée.

La surveillance du glissement de terrain de la Val Pola (1987) est un exemple d’utilisation, à la fin des années quatre-vingt, de systèmes de surveillance avant-gardistes pour étudier l’évolution du phénomène d’instabilité avant l’effondrement.

2    Classification des phénomènes de glissement de terrain

Afin d’aborder la surveillance des glissements de terrain, il est évidemment nécessaire de définir ce qu’est un glissement de terrain. Les définitions sont nombreuses, de même que les classifications des différentes typologies. Un glissement de terrain peut être succinctement défini comme un mouvement ou la chute d’une masse de terrain ou de roche sous l’action de la force de la gravité. La classification universellement reconnue et utilisée est celle de Cruden et Varnes, qui classe les glissements de terrain en différents phénomènes en fonction du type de matière et du type de mouvement (fig 1).

Figure 1 : classification de Cruden et Varnes

Un des aspects les plus importants de la dynamique des glissements de terrain est la vitesse que le phénomène est susceptible d’atteindre. La vitesse est un paramètre fondamental pour évaluer le temps de réaction des personnes potentiellement impliquées et les conséquences du glissement (fig. 2).

Figure 2 : classification de la vitesse des glissements de terrain et de leur potentiel destructeur.

3    Notions fondamentales concernant les systèmes de surveillance des glissements de terrain

En général, un système de surveillance est un système qui permet l’acquisition, répétée dans le temps, d’un paramètre physique donné avec un certain niveau d’exactitude et de précision. Les systèmes de surveillance font l’objet de nombreuses définitions, mais les éléments fondamentaux d’un système de surveillance sont les suivants : i) le paramètre mesuré, ii) la fréquence d’échantillonnage, iii) l’exactitude et la précision de la mesure.

En ce qui concerne le type de grandeur physique mesurée par le système de surveillance, le schéma de la figure 3 résume de manière simplifiée les principaux paramètres mesurables.

  1. Mouvements superficiels
  2. Mouvements profonds
  3. Paramètres relatifs à la présence d’eau à l’intérieur de la pente et aux pressions interstitielles
  4. Mesures géophysiques
  5. Paramètres météorologiques

Outre la grandeur physique, un autre paramètre fondamental pour la classification des systèmes de surveillance est la fréquence d’acquisition. Ce paramètre est très important parce qu’il permet de faire le lien entre le système de surveillance et le type de glissement de terrain à surveiller. Pour être considéré comme convenant à la surveillance d’un glissement de terrain, le système retenu doit avoir une fréquence d’acquisition proportionnelle à la vitesse d’évolution du glissement de terrain en question.

Figure 3 : schéma conceptuel des paramètres surveillables (schéma à redessiner)

En effet, si le glissement a une évolution beaucoup plus rapide que la fréquence d’échantillonnage du paramètre du système de surveillance, ce dernier ne sera pas en mesure de décrire correctement l’évolution du phénomène et ne saurait donc être utilisé pour obtenir une représentation effective de ce qui se produit. Outre la fréquence d’acquisition, il y a lieu de tenir compte de tous les aspects liés au transfert des données collectées et à leur traitement car celles-ci sont indispensables pour la génération d’un résultat. Sur la base de ces aspects, les systèmes de surveillance sont communément classés comme suit :

  1. systèmes de surveillance à basse fréquence : il s’agit de systèmes de surveillance à basse fréquence d’acquisition et longs délais de traitement des données. Ces systèmes sont utilisés principalement pour des analyses multi-temporelles (fréquence d’actualisation mensuelle/annuelle)
  2. systèmes de surveillance en temps quasi réel : systèmes de surveillance à haute fréquence d’échantillonnage et à délais de traitement des données très courts. Il n’existe pas, dans la littérature, de définition univoque du retard maximal entre l’acquisition des données et la génération d’un résultat en dessous duquel le système peut être considéré comme en temps quasi réel. En règle générale, on considère qu’un tel système est en mesure de produire un résultat de surveillance dans un délai limité et proportionnel à celui que met le glissement de terrain pour connaître une évolution significative.
  3. systèmes en temps réel : il s’agit de systèmes à très haute fréquence d’échantillonnage en mesure d’identifier de manière quasi instantanée les éventuels changements des paramètres surveillés. Il s’agit des systèmes utilisés dans les cas extrêmes, pour le contrôle de phénomènes impulsifs à grande vitesse tels que les effondrements ou les torrents de lave. Ces systèmes sont caractérisés par des temps de réaction très courts et sont en mesure d’activer des signaux d’alarme ou d’interdiction (sirène ou feu de signalisation).

Les systèmes de surveillance en temps réel ou quasi réel peuvent être utilisés pour des fonctions d’alerte. Dans le langage technique cette fonction d’alerte est appelée « alerte précoce ». L’alerte précoce est une procédure qui permet la détection d’un changement de niveau sur une échelle de gravité basée sur le franchissement de seuils prédéfinis d’un ou plusieurs paramètres physiques. Habituellement utilisée dans le domaine de la météorologie pour l’identification des conditions défavorables risquant d’avoir des conséquences parfois graves sur le territoire, l’alerte précoce est également utilisée depuis des années pour la surveillance des glissements de terrain. Un des aspects les plus controversés de cette approche est la définition a priori des seuils d’alerte pour la détermination des différents niveaux de gravité. Définir un seuil d’alerte est donc une opération très complexe, car les connaissances d’un phénomène de glissement de terrain donné sur lequel baser une analyse spécifique (spécifique au site) sont souvent très limitées. Indépendamment de la difficulté que comporte leur définition, l’utilisation de seuils exige de connaître les valeurs de la vitesse de déplacement ou d’autres paramètres, tels que l’ampleur des précipitations ou les oscillations du niveau de la nappe phréatique, susceptibles de quelque manière de signaler une augmentation du niveau d’activité du glissement de terrain et laisser présager de son évolution critique.

Figure 4 : fréquence d’acquisition et systèmes de surveillance

4    Le rôle essentiel de la communication pour le partage des résultats obtenus et la gestion des urgences

Une fois que le système de surveillance a été correctement mis en œuvre et configuré, et que les résultats ont été correctement validés, les informations relatives à l’évolution du phénomène doivent être correctement communiquées aux personnes intéressées. L’importance des aspects liés à la communication a longtemps été sous-estimée par la communauté scientifique qui s’intéresse aux glissements de terrain et à leur surveillance. Malheureusement, les données de surveillance sont souvent très difficiles à comprendre, notamment en raison du caractère particulièrement complexe des méthodes de communication utilisées par les différents protagonistes. Le nombre de personnes en mesure de comprendre les données est inversement proportionnel à la complexité des formes de représentation utilisées. Une mécompréhension des résultats est un problème qui ne doit pas être sous-estimé, car elle sape la crédibilité de l’entité technique et scientifique chargée de l’étude du glissement de terrain aux yeux de la population et mine la propension de cette dernière à collaborer, élément particulièrement important dans un contexte d’urgence.

C’est pour cette raison que le CNR IRPI a développé une stratégie de gestion et de communication des données qui prévoit différentes méthodes de communication en fonction du niveau de compétences spécifiques de l’utilisateur, compétences à partir desquelles les catégories d’utilisateurs suivantes ont été déterminées (figure 5) :

Administrateurs : personnes qui ne possèdent aucune compétence spécifique dans l’étude des glissements de terrain mais qui doivent avoir un accès complet aux données de surveillance. Les administrateurs sont habituellement des personnes chargées d’une mission institutionnelle de protection du territoire et qui n’ont parfois aucune préparation technique spécifique comme, par exemple, le maire d’un petit village de montagne. Elles ont besoin d’un accès complet mais simplifié aux données de surveillance. 

Personnel technique : personnes qui possèdent des compétences techniques dans l’étude des glissements de terrain mais qui ne sont pas spécialisées dans la surveillance des glissements de terrain. Il s’agit de techniciens qui travaillent dans le groupe de gestion des risques liés à l’évolution possible du phénomène de glissement de terrain. Ils sont généralement habitués à travailler avec des systèmes d’alerte et ont besoin d’un accès complet aux données de surveillance.

Experts en surveillance : il s’agit de techniciens qui possèdent une formation spécialisée dans le domaine de la surveillance des glissements de terrain. Dans ce cas, l’accès est garanti non seulement aux résultats finaux mais également aux données brutes afin que la chaîne de traitement des données puisse être éventuellement validée.

Population : l’expérience acquise en matière de gestion des données de surveillance conduit à la conclusion qu’il est nécessaire de partager les données en possession de l’entité technique et scientifique chargée de l’étude et du contrôle du glissement de terrain. La mise en commun de données trop complexes et non commentées peut cependant être contre-productive car une mauvaise interprétation des données peut conduire à une perception erronée des risques liés au phénomène de glissement de terrain. D’où la nécessité de produire une version simplifiée et commentée des données de surveillance qui soit facilement compréhensible.

Figure 5 : rapport entre complexité de la communication et catégories de personnes en mesure de comprendre