Système de surveillance: INTERFÉROMÉTRIE RADAR TERRESTRE

L’interférométrie radar terrestre (terrestrial radar interferometry, TRI) est une technologie qui a été développée en Italie par l’Université de Florence à la fin des années 90. Le premier exemple d’application de cette technologie pour un glissement de terrain a été la mesure du déplacement superficiel du glissement de terrain de Tessina (BL) en 2003. Depuis lors, la TRI a connu de nombreuses applications dans le domaine de la surveillance des risques naturels et de leurs conséquences, telles que les glissements de terrain, les éruptions volcaniques, les glaciers, les glaciers rocheux, les mines à ciel ouvert et les infrastructures.

Actuellement, les systèmes de surveillance des glissements de terrain basés sur la TRI et disponibles dans le commerce sont le radar à ouverture synthétique terrestre (RSO) et l’interféromètre radar portable de Gamma (IRPG). Les deux modèles opèrent dans la bande de fréquence Ku équivalant à une longueur d’onde (λ) de 1,5 – 2 cm. Le RSO est le système le plus diffus et il est couramment utilisé pour la surveillance des phénomènes gravitatifs et le contrôle de la stabilité des flancs des mines à ciel ouvert. Cet instrument se compose d’une antenne émettrice et d’une antenne réceptrice qui coulissent sur un rail linéaire (généralement de 2 – 3 mètres) pendant l’acquisition des données (Figure 1). Ce mouvement permet de simuler une antenne de plus grande dimension, égale à la longueur du rail. Cette solution permet d’obtenir une représentation surfacique de la scène observée et d’augmenter la résolution spatiale en azimut de l’image radar. En général, la résolution spatiale à une distance de 1000 m est de 0,5 – 1 m environ en longueur et 3 – 5 m en azimut (la résolution augmente proportionnellement avec la distance) en fonction de la longueur du rail et de la largeur de bande utilisée. Un RSO peut effectuer des mesures à une distance maximale de 3 – 5 km.

L’IRPG est un modèle d’interféromètre radar moins courant (Figure 1). Les antennes de l’IRPG sont installées sur un support en rotation libre autour de l’axe vertical. Le système peut ainsi acquérir une scène très large (jusqu’à 360°) et des données distribuées spatialement. La plus grande dimension réelle des antennes permet de bénéficier d’un considérable rapport signal-bruit et d’effectuer des mesures à plus de 10 km de distance, mais avec une résolution spatiale en azimut inférieure à celle du RSO.

Figure 1 Exemple de radar terrestre interférométrique À gauche le modèle RSO (GB-SAR en anglais) À droite le modèle IRPG (GPRI en anglais)

Description technique du principe de fonctionnement :

La technique consiste à analyser les phases du signal à microondes émis par le radar et réfléchi par la surface d’un objet. C’est, en particulier, le déphasage Δϕ entre deux acquisitions consécutives qui est observée car il est directement proportionnel au mouvement de la cible. En effet, le déphasage mesuré par rapport au mouvement de la cible ΔR peut être exprimé comme suit :

(1) Δϕ = λ/4π ΔR

où λ est la longueur d’onde. Étant donné que c’est la distance entre l’antenne et la cible qui est mesurée, seule la composante de déplacement parallèle à la ligne de visée (en anglais, line of sight – LOS) peut être mesurée. La sensibilité de l’instrument étant particulièrement élevée, les données sont influencées par des facteurs externes qui entraînent une incertitude. La mesure de la phase interférométrique Φint prend en compte différentes composantes

(2) Φint = φΔR + φspeckle + φatm + 2kπ

où φΔR représente la valeur de phase due au déplacement de la cible. Le terme φspeckle représente la composante liée au bruit multiplicatif typique des mesures électromagnétiques, tandis que le terme φatm dénommé écran de phase atmosphérique (en anglais, atmospheric phase screen – APS) est lié aux conditions atmosphériques, en particulier l’humidité et la température. Enfin le terme 2kπ représente l’ambiguïté due à la périodicité de la phase. En effet, le déphasage entre deux acquisitions est compris dans l’intervalle [0,2π). En présence d’un déplacement supérieur à λ/2 il est impossible de déterminer le nombre entier correspondant de cycles de la phase.

Description des méthodes d’utilisation pour la surveillance des phénomènes de glissement de terrain et exemples pratiques :

Utilisée pour la surveillance, la TRI permet d’effectuer des mesures en continu avec une haute fréquence d’acquisition (de quelques secondes à quelques minutes). L’équation (1) montre que la valeur de déplacement détectable par TRI est égale à une fraction de λ. Étant donné que la valeur de λ du signal utilisé par les radars terrestres est généralement de l’ordre de quelques centimètres, la sensibilité de mesure de déplacement qui en résulte est millimétrique. Toutefois, en raison de l’ambiguïté de phase, seuls les déplacements inférieurs à λ/2 (équivalents à 0,5 – 1 cm) peuvent être mesurés. Il est donc nécessaire que le mouvement soit inférieur à cette valeur entre deux acquisitions.

Les mesures par TRI peuvent être réalisées quelles que soient les conditions météorologiques et d’éclairage. Le résultat est une cartographie spatiale de la composante de déformation superficielle parallèle à la ligne de visée. Cet aspect doit être évalué pendant la phase d’agencement du système de surveillance de manière à maximiser la fraction de mouvement réel qui peut être mesurée.

L’équation (2) montre que la phase interférométrique comprend différents termes. La présence de composantes non liées au mouvement complexifie particulièrement les données interférométriques, notamment en cas de conditions atmosphériques difficiles et de grande distance entre le radar et l’objet surveillé. Pour pouvoir filtrer les éléments qui perturbent le signal de phase, il est important de disposer d’une zone stable exempte de végétation servant de référence pour l’étalonnage des mesures brutes. Cette circonstance peut compliquer la surveillance si aucune zone stable n’est connue ou présente à l’intérieur du champ d’observation du radar.

La Figure 2 représente un exemple de résultat obtenu par TRI. Il s’agit de la cartographie du déplacement journalier du glissement de terrain de Monesi di Mendatica (SV). En novembre 2016, à la suite d’un épisode de précipitation intense, la partie inférieure du glissement de terrain s’est effondrée et a entraîné l’effondrement de certains immeubles et de la route provinciale. Le glissement de terrain a été surveillé en continu de mars à juillet 2017. Les données présentées se réfèrent à la période du 3 au 10 mars 2017. Dans ce cas, les mesures ont été effectuées avec un RSO situé à une distance d’environ 300 m à la même altitude que la couronne de la partie effondrée. Il a été programmé à une fréquence de 10 acquisitions/heure, ce qui a permis de mesurer des déplacements maximum d’environ 2 m/j. Les aspects les plus critiques de la surveillance ont été les fortes perturbations atmosphériques et l’absence de zones stables à l’intérieur du champ de vision du radar. Toutefois, il a été possible d’utiliser les immeubles sur lesquels des mesures de station totale étaient disponibles comme points de référence pour les radars.

Figure 2 Cartographie du mouvement journalier du glissement de terrain de Monesi di Mendatica (SV) pendant la période du 3 au 10 mars 2017.

Cas d’utilisation les plus indiqués :

Les principales caractéristiques de la TRI peuvent se résumer comme suit :

  • haute fréquence d’acquisition
  • distribution spatiale des données sur plusieurs km²
  • mesure entièrement à distance de plusieurs kilomètres
  • possibilité de mesurer indépendamment des conditions atmosphériques et d’éclairage
  • sensibilité millimétrique de la mesure
  • valeur de déplacement monodimensionnelle (le long de la ligne de visée)
  • ambiguïté de phase en cas de mouvements très rapides (> λ/2)
  • traitement complexe
  • coût élevé de l’instrument (~100000-300000 €)
  • portabilité limitée de l’instrument et consommation importante d’énergie
  • difficulté de mesurer dans des zones couvertes par une végétation épaisse

Ces caractéristiques rendent l’instrument particulièrement adapté à la surveillance continue de phénomènes de glissement de terrain à l’échelle du versant. Sa haute fréquence d’acquisition et sa sensibilité permettent d’insérer les mesures par TRI dans des procédures d’alerte précoce y compris concernant des phénomènes à caractère impulsif et avec des signes précurseurs faibles.

Bibliographie minimum

  • Rosen, P. A., Hensley, S., Joughin, I. R., Li, F. K., Madsen, S. N., Rodriguez, E., & Goldstein, R. M. (2000). Synthetic aperture radar interferometry. Proceedings of the IEEE, 88(3), 333-382.
  • Tarchi, D., Casagli, N., Fanti, R., Leva, D. D., Luzi, G., Pasuto, A., M. Pieraccini & Silvano, S. (2003). Landslide monitoring by using ground-based SAR interferometry: an example of application to the Tessina landslide in Italy. Engineering geology, 68(1-2), 15-30.
  • Monserrat, O., Crosetto, M., & Luzi, G. (2014). A review of ground-based SAR interferometry for deformation measurement. ISPRS Journal of Photogrammetry and Remote Sensing, 93, 40-48.
  • Caduff, R., Schlunegger, F., Kos, A., & Wiesmann, A. (2015). A review of terrestrial radar interferometry for measuring surface change in the geosciences. Earth surface processes and landforms, 40(2), 208-228.